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Nos Terroirs. Nos éleveurs. Nos producteurs. Notre force

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il y a 1 jour

Nos terroirs ne sont pas uniquement des cartes postales.
Derrière chaque spécialité, chaque vache, chaque champ, se cachent des femmes et des hommes qui se lèvent à l’aube pour faire battre le cœur de la France. Notre force, ce sont eux, nos éleveurs et nos producteurs.

J’ai de la chance.
Beaucoup de chance.
Petit-fils de paysan et fils d’ouvrier, j’ai connu, tout petit, l’importance de la terre, le respect des cultures et des traditions, les valeurs de nos éleveurs et producteurs ainsi que le soutien au bien-être animal.

À 8 ou 9 ans, je courais encore dans les rues de mon village de Niedernai, en Alsace, avec le Melichkann (cruche à lait traditionnelle en Alsace) pour aller chercher le lait frais chez le paysan.
J’ai 45 ans.
Ce n’est pas si loin, au final.

Mes différents métiers dans le monde de la gastronomie m’amènent aujourd’hui à parcourir la France, à rencontrer des producteurs de toutes nos si belles régions, et surtout à découvrir notre magnifique pays jusqu’au fin fond du Cantal. Je pense sincèrement que nous vivons dans le plus beau pays du monde : notre richesse, ce sont nos traditions, nos terroirs, notre artisanat, notre savoir-faire. Nos paysages.
Je suis chauvin, oui.
Mais quel pays peut revendiquer, plus que nous, autant de richesses ? Tu peux te retrouver en Corse, en Corrèze, au Pays Basque, en Normandie, en Guadeloupe et avoir l’impression de changer de pays à chaque fois. Limite à chaque virage que tu prendras en voiture.
C’est ça, la beauté de notre pays.
Sa puissance.

Grâce à nos éleveurs et producteurs, nous gardons notre souveraineté alimentaire. C’est eux qui détiennent la clé de notre avenir.
Cette boîte de Pandore contient tous les secrets de ce que nous sommes.

Ces métiers sont durs. Éreintants. Exigeants.
Et surtout, ils demandent un sacrifice quotidien immense.
Je me rappelle d’un de mes tournages, il y a peu de temps, dans une ferme. Un couple avait repris l’affaire après les parents, qui eux-mêmes l’avaient reprise de leurs parents.
Et ainsi de suite.

Ils ont moins de 35 ans tous les deux, et déjà trois enfants.
Ils élèvent des vaches vosgiennes. Ils produisent leur viande bouchère, leurs fromages.
Ils élèvent des porcs. Ils produisent leurs charcuteries.
Et dans leur auberge familiale, ils perpétuent ce que faisaient leurs aïeux : cuisiner et proposer les produits de leur ferme.
Ils prennent très rarement des vacances, car la traite journalière se fait deux fois par jour, tous les jours de l’année.
C’est réel. Et c’est admirable.
À ma question un peu piquante à l’un d’eux :
« Mais pourquoi vous faites ça ? »
Il m’a répondu :
« Parce qu’ici, on a toujours fait ça. On aime ce qu’on fait. Et regarde juste là, Nicolas. Devant toi… »
Il tourne la tête, je l’imite et, devant moi, des montagnes à perte de vue. Je me suis cru dans le film Le Seigneur des Anneaux.
Des frissons ont fusé partout sur ma peau.
« J’ai pas besoin de partir en vacances. On a tout ici. »

Il avait tout dit.
C’est par loyauté envers leurs terres, leurs valeurs, leur famille et leurs traditions qu’ils sont là.
Pour offrir le meilleur de la France à toutes celles et ceux qui viendront pousser la porte de leur ferme.

Purée que c’est beau.

Mais je m’inquiète pour cette souveraineté alimentaire.
Elle survivra encore combien de temps ?
Cette question me hante, car je crains pour l’avenir de mes enfants. De ce que nous allons leur laisser.
Est-ce que la politique actuelle de notre pays permettra de préserver cette souveraineté, nos traditions et nos savoir-faire ?
Est-ce que mes enfants vont devoir se nourrir à l’école avec du bœuf qui a parcouru le monde pour finir dans leur assiette ?

Je crois en l’avenir de nos éleveurs et de nos producteurs.
Je les soutiens avec toute ma force et ma rage.
Par mes reportages. Par mes chroniques radio. Et surtout, par ma consommation.
Dans l’un de mes restaurants éphémères, je fais environ 1000 couverts par jour. Tous les produits viennent à presque 95 % de moins de 100 km du restaurant. Mes steaks hachés sont alsaciens. Frappés à la main par l’équipe de mon boucher, chaque matin.
C’est frais. C’est authentique.
Et c’est lui qui sélectionne ses bêtes.

Mais ça, c’était il y a dix ans.
Aujourd’hui, c’est à peine 70 % de ma viande qui est alsacienne, car les éleveurs désertent ce métier.
L’unique raison ? Trop dur.
Je les comprends. Pourquoi travailler aussi dur pour, au final, ne presque rien avoir ?

Alors c’est à nous de nous lever. Et de soutenir.
De revenir à l’essentiel. D’encourager nos filières.
Ces filières doivent pouvoir retrouver leur place partout où les consommateurs achètent : chez les artisans comme dans la grande distribution.
J’y crois, parce que c’est aussi comme ça que nous allons pouvoir à nouveau “éduquer” les consommateurs à consommer local.

Et il y a un autre point très important : la qualité de nos viandes est reconnue partout.
De chez nos mamies jusqu’à nos restaurants étoilés !

Chaque région élève, transforme et offre des merveilles.

La protéine animale, c’est d’abord un symbole de notre savoir-faire. Nos viandes, qu’elles soient de bœuf, de porc, d’agneau, de volaille, de lapin, sont élevées avec soin, nourries selon des méthodes traditionnelles, sur des terres respectées et dans le respect du bien-être animal.
Elles sont riches en nutriments essentiels : protéines complètes, fer, vitamines B12. Que du bon.
Elles sont aussi (et surtout) le fruit d’une exigence à la française : traçabilité, sécurité sanitaire, race, terroir.
Ce n’est pas une viande immangeable industrielle sans goût.
Non.
C’est une viande d’excellence.
Celle qui porte l’âme d’un territoire, d’une ferme, d’un éleveur.
Celle qui fait la fierté d’un plat du dimanche, comme les fleischnacka de ma grand mère, d’un bon burger dans mon restaurant ou d’un menu gastronomique étoilé.

Il faut aimer la viande. Et la manger mieux.

Et il y a aussi un petit quelque chose que l’on oublie trop souvent : le métier d’éleveur se conjugue aujourd’hui au féminin.
Ces femmes sont de plus en plus nombreuses à reprendre une exploitation, à travailler dans les fermes, à s’investir dans les chambres d’agriculture.

Ce sont souvent des mères de famille qui relèvent leurs manches pour faire vivre notre patrimoine.
Elles portent en elles ce feu sacré de la terre, parfois avec plus de patience, de précision et de résilience que certains.
Ce que j’aime en les rencontrant, c’est qu’elles ne demandent ni traitement de faveur, ni paternalisme.
Elles demandent juste qu’on reconnaisse leur place, leur valeur, leur courage. Au même titre que n’importe quel éleveur ou producteur.
L’agriculture française a ce nouveau visage que, je l’avoue, j’aime profondément.
En écrivant ces mots, je repense à cette jeune éleveuse d’agneaux de 24 ans. À sa vision. À son intégrité.
À la dureté de sa vie et à son sourire.
À son envie d’exceller tout en mettant le bien-être de ses animaux en priorité.

D’ailleurs le bien-être animal, parlons-en.
Ce n’est pas un argument marketing.
C’est une réalité.
Une exigence.
Une conviction.

Je ne parle pas de ces usines (fabriques) à viande, mais bien de nos fermes. Celles de nos éleveurs qui aiment leurs bêtes.
Ils les soignent, les observent, les respectent.
Ils les emmènent à l’abattoir.
Parce que c’est leur métier. Leur éthique. Leur fierté.
Le veau, la vache, le cochon, la volaille, les lapins ne sont pas de simples numéros dans un système industriel :
ils sont les compagnons d’une vie de travail.
Ils sont le cœur vivant d’un métier transmis de génération en génération.

Et ça aussi, il faut le défendre.
Avec force.
Avec courage.
Avec engagement.

Nathalie élève des vaches Salers dans le Cantal. Dans une autre vie, elle était comptable.
Son métier d’aujourd’hui, elle l’aime plus que tout.
Elle fait un fromage à tomber par terre, qui s’appelle l’Acajou.
Du nom de la couleur de la robe de ses vaches.
À ma question : « D’où vient ton logo ? », elle a fondu en larmes. Son logo s’inspire d’une de ses vaches qui les a quittés quelques années plus tôt. C’est ça, sa vérité à Nathalie.
Ses bêtes sont sa famille.

Vous savez, traverser le monde m’a permis de comprendre une chose. Certainement la chose la plus essentielle de ma vie de Français : je suis heureux de rentrer chez moi.
Chez nous, en Alsace, on appelle ça le « Heim Wé ».
On traduirait ça par « le mal du pays » en français mais chez nous, ce sens est plus fort.
« Heim » veut dire la maison, et « Wé » la douleur.
C’est puissant, ce Heim Wé, car notre Alsace est notre maison. Ce tout qui fait que nous sommes fiers de revenir chez nous.
Nous devrions tous ressentir cela en parcourant notre terroir. Car n’est-ce pas ça, finalement, le secret de notre avenir ?
Que les éleveurs et producteurs restent les poumons de notre pays, et nous, le peuple, leur oxygène.

C’est ce que j’apprends à mes enfants.
Connaître notre histoire. Notre culture. Nos traditions.
Manger français. Manger de saison.
Respecter notre héritage.
Avec l’espoir de le perpétuer.

La terre peut parfois sembler plus belle ailleurs… C’est vrai.
Mais elle ne sera jamais aussi juste, aussi vraie, aussi forte que chez nous, en France,
avec une vache Salers, une Vosgienne ou une Simmental qui y vit librement.

Image de Nicolas Rieffel

Nicolas Rieffel

Nicolas Rieffel, né le 30 janvier 1980 à Niedernai en Alsace, est un autodidacte cuisinier français, sommelier et chroniqueur culinaire sur la chaîne alsacienne Alsace20. Il est connu du grand public pour avoir été candidat à l’émission Masterchef en 2010 et avoir créé de 2011 à 2016, Life is a Game sa marque de vêtements à destination des professionnels de la cuisine.

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