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La dynamique des productions bovines et ovines bio en France

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il y a 1 jour

En France, l’agriculture biologique a connu un essor important au fil des deux dernières décennies. En 2024, elle couvre 2,7 millions d’hectares, soit 10 % de la superficie agricole utile nationale, une part comparable à la moyenne européenne. Si la France compte parmi les pays européens ayant enregistré les plus fortes progressions dans ce domaine, le niveau atteint demeure éloigné des objectifs ambitieux fixés par le Pacte vert de l’Europe (25 % de la surface agricole en agriculture biologique à horizon 2030). L’agriculture biologique concerne 12 % des surfaces françaises dédiées aux prairies permanentes, lesquelles sont valorisées essentiellement par les productions bovine et ovine. Avec 1,1 million d’hectares, soit 40 % de la superficie agricole en bio, ces prairies sont localisées surtout en Occitanie (22 % des surfaces nationales), en Auvergne-Rhône-Alpes (16 %) et en Nouvelle-Aquitaine (10 %).

La conjoncture économique récente marquée par une forte inflation et une pression sur le pouvoir d’achat des ménages a porté un coup de frein à la dynamique de développement de la filière bio, en particulier pour les produits d’origine animale. L’équation est devenue plus fragile : comment maintenir une dynamique de conversion alors que de nombreux ménages peinent face à la hausse du coût de l’alimentation et que, parallèlement, d’autres labels viennent brouiller le paysage ?

Après une croissance régulière, un recul du marché alimentaire bio pour les produits animaux

En France, le marché alimentaire bio s’élève à 13 milliards d’euros en 2024. Alors que ce montant avait plus que doublé entre 2015 et 2020 (+7 milliards d’euros), il a enregistré une baisse de 2,3 % depuis 2020. Cette baisse des achats s’explique non pas par un manque d’intérêt des consommateurs pour ce mode de production, souvent considéré comme plus respectueux de l’environnement, mais par de nouveaux arbitrages dans les actes d’achat. La part des produits bio dans la consommation alimentaire des ménages français est passée de 3,2 % en 2015 à 6,6 % en 2020, pour redescendre à 5,7 % en 2024 (dont 92 % de consommation à domicile). Entre 2020 et 2024, le recul des achats de produits alimentaires bio a été plus intense dans le réseau de grande distribution (-16 % entre 2020 et 2024) que dans celui des magasins bio spécialisés (-2,4 %). Une augmentation des ventes a, en revanche, été observée en vente directe (+14 %) et chez les artisans-commerçants (+10 %).

Les produits animaux bio (terme qui regroupe les produits laitiers, le lait liquide, les viandes, les produits de la charcuterie-salaison et les oeufs) occupent une place décroissante dans la consommation à domicile de produits alimentaires bio, passant de 27 % en 2015 à 22 % en 2024. En effet, les produits animaux bio ont été parmi les plus durement touchées par la crise inflationniste, avec un recul des achats en valeur entre 2020 et 2024 de 11 % pour les produits laitiers, 22 % pour la viande bovine, 25 % pour la viande ovine et 40 % pour la viande porcine. Cette baisse des achats est non seulement peu propice aux conversions, mais elle incite même certains éleveurs à se réorienter vers l’agriculture conventionnelle.

Bovins et ovins bio : un développement encore limité

Le cheptel de vaches allaitantes bio a lui aussi progressé, passant de 84 300 à 223 100 têtes entre 2010 et 2024 (soit environ 6% du cheptel national). Présent dans 6 600 exploitations en 2024, ce cheptel se retrouve surtout en Nouvelle-Aquitaine (17 % du total national), en Occitanie (16 %), en Pays de la Loire (15 %) et en Auvergne-Rhône-Alpes (10 %). La production de viande bovine bio, qui rassemble aussi des bovins issus du secteur laitier, a atteint 26 150 tec (tonnes équivalent carcasse) en 2023, soit 2,2 % des abattages totaux de gros bovins. Les abattages de gros bovins bio ont baissé de 14 % entre 2022 et 2023, après un recul qui avait déjà été 10 % entre 2021 et 2022, sous l’effet conjugué d’une contraction de la demande (surtout dans le réseau de la grande distribution qui assure près de la moitié des ventes), d’une augmentation substantielle des prix à la production dans le secteur conventionnel et d’une stagnation du nombre de producteurs engagés en bio.

Du côté des ovins, le cheptel français de brebis viande bio a lui aussi progressé sur longue période, passant de 117 300 têtes en 2010 à 298 600 têtes en 2024, soit l’équivalent de 9,7 % du cheptel total. Cette croissance du bio s’inscrit dans le cadre d’une baisse du cheptel total de brebis viande de l’ordre de 14 % sur cette période. Relevant de 2 870 exploitations, les brebis viande bio se retrouvent surtout en Occitanie (26 % du total national), en Provence-Alpes-Côte d’Azur (16 %), en Nouvelle-Aquitaine (16 %) et en Auvergne-Rhône Alpes (16 %). De la même façon que pour les gros bovins, les abattages d’ovins bio ont reculé de 12 % entre 2022 et 2023, alors que les volumes totaux concernés étaient déjà pourtant assez faibles (3 % du total des abattages de viande ovine).

Des externalités positives mais une équation économique délicate

En dépit des difficultés commerciales rencontrées récemment, un point demeure incontestable : les filières bovine et ovine sont au cœur de l’agriculture biologique française. Près de 60 % des surfaces agricoles en bio sont des prairies ou des cultures fourragères. Sans animaux pour les valoriser, ces surfaces perdraient de leur utilité. Les bovins et ovins bio jouent un rôle écologique irremplaçable au travers de la valorisation des prairies permanentes sur des sols peu adaptés aux cultures ; du stockage de carbone et de la régulation hydrique par les prairies ; de la fertilisation organique via les effluents, limitant le recours aux engrais de synthèse ; de la biodiversité favorisée par la mosaïque paysagère entretenue par le pâturage.

Les soubresauts constatés récemment dans le marché alimentaire bio, notamment pour les produits animaux, ne permettent pas de statuer sur ce que sera le niveau futur, par exemple à horizon 2035, de la consommation française de produits bio, tant en volume qu’en valeur. L’avenir de l’agriculture biologique n’est pas écrit à l’avance. Il dépendra du consentement à payer des consommateurs pour ces produits ; de la rentabilité économique des exploitations concernées (accepter des rendements plus faibles et une conduite de production plus exigeante en travail implique en échange l’obtention d’un meilleur prix de vente des produits commercialisés) ; de la capacité de cette filière à faire face à la concurrence d’autres formes de différenciation de produits (les bénéfices apportés par l’agriculture biologique en matière d’environnement, de santé ou de bien-être animal doivent être réaffirmés) ; de la volonté des pouvoirs publics d’accompagner ce secteur par l’allocation de subventions aux producteurs et/ou par la mise en œuvre d’une réglementation visant à renforcer la diffusion de ces produits, notamment auprès de la restauration collective.

Pour en savoir plus :

Chatellier, V. (2024). L’agriculture biologique et les produits animaux bio en France : après l’essor, le choc de l’inflation. INRAE Productions Animales, 37(2), 7937. https://doi.org/10.20870/productions-animales.2024.37.2.7937

Médale F., Penvern S., Bareille N. (2024). L’élevage biologique : conditions et potentiel de développement. Editions Quae, 220 p. https://www.quae.com/produit/1907/9782738014665/l-elevage-biologique

Image de Vincent Chatellier

Vincent Chatellier

Vincent Chatellier est Ingénieur de recherche à INRAE. Directeur-adjoint de l’UMR SMART (INRAE/Institut Agro), il a présidé la Société Française d’Economie Rurale (SFER) de 2019 à 2025 et il est membre correspondant de l’Académie d’Agriculture de France depuis 2022. Ses travaux portent sur l’économie des filières agricoles ; la diversité et les performances économiques des exploitations agricoles ; les politiques publiques en lien avec l’agriculture. En 2025, il a codirigé l’ouvrage « Politiques agricoles : théories, histoires, réformes et expériences » publié chez Classiques Garnier (2 tomes - 35 chapitres – 1230 pages).

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